Santé, sécurité et mort au travail. Refusons l’aggravation en nous opposant à la réforme des retraites.
Depuis 1996, chaque 28 avril, le mouvement syndical mondial rend hommage aux victimes des accidents et des maladies du travail. C’est en 2003 que l’OIT a entrepris d’organiser une « Journée Mondiale pour la Sécurité et la Santé au Travail », en mettant l’accent sur la prévention des accidents du travail et maladies professionnelles.
Dans cette période de lutte contre la contre-réforme des retraites qui impose un report de 2 ans de l’âge légal de départ, la santé et la sécurité au travail sont des enjeux fondamentaux.
En France, plus de 2 morts au travail chaque jour !
Selon la Dares, les données sur les accidents du travail sont difficilement comparables entre les pays européens en raison des différences de régimes. Certains pays disposent de systèmes de couverture assurantiels des risques professionnels, d’autres des systèmes universels. La reconnaissance des accidents du travail est aussi très différente. Néanmoins, le patronat français reste responsable d’une sinistralité trois fois supérieure à l’Allemagne, la Suède ou les Pays-Bas en ce qui concerne les accidents mortels pour les pays où la comparaison est possible. La Dares soupçonne aussi certains pays comme la France de sous- déclaration des accidents du travail.
En 2019, la Dares dénombrait 783 600 accidents du travail sur le territoire français avec au moins un jour d’arrêt hors fonction publique d’État, autres régimes spéciaux, travailleurs indépendants, micro-entrepreneurs, et travailleurs détachés. Il est ainsi fait état de 790 accidents mortels en 2019, soit un peu plus de deux personnes par jour. Le secteur le plus accidentogène pour les hommes reste le BTP avec 89 000 accidents reconnu en 2019 et les activités de services (santé, action sociale, nettoyage...) pour les femmes avec 106 000 accidents la même année. Près de 40 000 accidents donnent lieu à la reconnaissance d’une incapacité permanente. La Dares pointe enfin le poids de l’intérim où le risque d’accident avec arrêt de travail est deux fois plus élevé que la moyenne.
En plus, ce report de l’âge légal entrainera une augmentation des AT-MP et créera un besoin de financement au titre des arrêts maladies/AT/MP chiffré par le COR à près d’un milliard d’euros. La baisse du financement de la branche votée dans le PLFSS 2023 devrait dégrader d’autant plus la prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles. Comment s’en étonner quand toutes les institutions qui contribuent à la prévention des risques au travail – CHSCT, CARSAT, inspection du travail, médecine du travail – ont subi un démantèlement méthodique ces dernières années !
Traitement judiciaire des accidents du travail : un naufrage !
Le traitement judiciaire des infractions à la réglementation relative à la santé et à la sécurité au travail ne semble exercer aucun effet dissuasif. En l’absence d’un réel suivi du devenir des procès-verbaux de l’inspection du travail par la direction générale du travail, les agent.es de certains départements ont entrepris de recenser elles et eux-mêmes les suites réservées à leurs procédures pénales en matière d’accident et de sécurité au travail.
En Seine-Saint-Denis, le résultat est édifiant ... et il reflète une tendance plus générale. Sur 150 procès-verbaux dressés entre 2014 et 2020 et dont les suites sont connues, seuls 43 ont fait ou vont faire l’objet d’une audience devant le tribunal correctionnel. Sept autres cas ont fait l’objet d’une ordonnance pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Soit tout juste un tiers.
Un second tiers a d’ores et déjà fait l’objet d’un classement sans suite. Le Parquet a considéré par exemple que les faits n’étaient « pas suffisamment graves » s’agissant de l’inexécution par l’employeur d’une décision d’arrêt temporaire des travaux, destinées à protéger les salarié.es d’un risque de chute de hauteur à partir d’un échafaudage non conforme. On attendra donc que des travailleur.es de cette entreprise tombent pour sanctionner éventuellement l’employeur. Le ministère du travail inscrit pourtant année après année les chutes de hauteur comme axe prioritaire du plan national d’action de l’inspection du travail. Manifestement celui de la justice n’en est pas informé !
Quant au dernier tiers, il est composé de procédures pour lesquelles une enquête de police est « toujours en cours », et qui ont toutes les chances de prendre la poussière jusqu’à la prescription des délits constatés. Tel est le cas d’un procès-verbal relevé en 2014 pour un accident causé par l’absence de formation du conducteur d’un engin de chantier, ou encore d’une procédure dressée en 2016 par suite d’un accident du travail d’un salarié victime de multiples fractures causées par l’utilisation d’une machine non conforme. Ainsi près des deux tiers des entreprises du 93 verbalisées pour un délit concernant la santé et la sécurité de leurs salarié.es ne subissent aucune conséquence. Le résultat serait pire encore en considérant la totalité des procès-verbaux de l’inspection du travail.
Lorsque l’affaire est poursuivie par le tribunal, il faut compter en moyenne 4 ans entre la transmission du procès-verbal par l’inspection du travail au Procureur de la République et une éventuelle date d’audience.
- Quel peut être l’effet dissuasif d’une condamnation qui intervient 4 ans après les faits?
- Et que dire de la situation des victimes d’accident du travail et de leurs familles pendant ces 4 longues années d’attente ?
Plus inquiétant encore, des procédures pour accident mortel du travail ont à plusieurs reprises fait l’objet d’une relaxe sans que le Parquet, qui avait pourtant estimé les constats suffisamment solides pour renvoyer l’entreprise et ses dirigeant.es en correctionnelle, n’estime opportun de faire appel du jugement.
Pourquoi un tel naufrage ? Comme tous les services publics, celui de la justice a fait les frais des politiques d’austérité et manque cruellement de moyens pour donner suite à toutes les procédures qui le mériteraient. Mais l’absence de moyens est aggravée par des raisonnements politiques, selon lesquels les employeurs ne sont pas des justiciables comme les autres et les infractions au droit du travail, commises dans le huis clos des entreprises, ne troublent pas l’ordre public.
Face à la logique financière de compétitivité et de profits des employeurs, la CGT place l’humain au cœur des enjeux et de ses revendications. Dans cette période de lutte pour les retraites, la CGT ne baissera pas la garde dans la défense des salariés, à faire valoir leur droit, à gagner dignement leur vie sans pour autant la perdre. Celle-ci passera nécessairement par le retrait de la réforme des retraites.
La CGT revendique :
- La mise à disposition des effectifs et des moyens nécessaires à l’inspection du travail et aux organismes de prévention pour l’amélioration des conditions de travail des salarié.es.
- Une véritable politique pénale contre la délinquance patronale en matière de santé et de sécurité au travail qui doit voir le jour, ainsi que les moyens nécessaires pour y parvenir.
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