A l’attention de Monsieur le Maire et des élu.e.s du Bureau Municipal,
Mesdames, messieurs,
Nous venons de traverser deux années de crise sanitaire sans précédent.
Bibliothécaires de terrain et professionnel.le.s de la culture engagé.e.s, nous avons toujours eu à cœur de répondre aux besoins de nos publics dans un cadre réglementaire changeant et imposant ses successions de contraintes : en proposant des services de « médiathèques à emporter » durant les confinements, en gérant les contraintes de manutentions consécutives à la mise en quarantaine de nos documents, en endossant les rôles de médiateurs pour faire respecter le port du masque et des gestes barrières, en accompagnant avec constance nos lectrices et nos lecteurs en manque de repères, en nous évertuant (toujours) à entretenir les liens sociaux et culturels qui permettent le vivre (et le livre) ensemble dans nos quartiers…
Durant ces deux années, nous avons toujours été là pour les nanterriennes et les nanterriens.
Depuis le 21 juillet 2021, le gouvernement a rendu obligatoire le contrôle du passe sanitaire auprès des adultes dans les lieux culturels publics. Cette décision – qui remet en cause le caractère universaliste de l’accueil de nos médiathèques et balaye d’un revers de main des décennies d’héritage déontologique – a soulevé un vent de protestation au sein de notre profession. De nombreux réseaux de médiathèques se sont mobilisés pour interpeller le gouvernement : Lyon, Villeurbanne, Strasbourg, Grenoble, Cherbourg, Plaine Commune, Est-Ensemble… Une pétition circule d’ailleurs en ce sens tandis que sites et revues spécialisées relayent cette opposition largement soutenue. Et comment, en tant que professionnel.le.s autant que citoyen.ne.s, ne pas s’indigner ? Quand le gouvernement a permis l’accès aux bibliothèques à l’issue des différents confinements, considérant l’accès à la culture comme un bien de première nécessité, et qu’il impose aujourd’hui un filtrage à leurs portes, source d’injustice et d’inégalités sociales ? Déroulons plus en avant le schéma… Rendre accessibles les temples de la consommation (centres commerciaux de moins de 20 000 m²) sans contrôle des passes : positif. Permettre aux habitants des quartiers d’une ville populaire comme Nanterre d’accéder librement et gratuitement aux équipements culturels : négatif. Vision clivante si révélatrice des visées politiques mises en place par l’exécutif ! Manichéisme d’une conception sociétale qui ne fait que creuser le sillon des inégalités à l’échelle des territoires et des populations !
Notre sens de l’adaptation déjà fortement éprouvé a trouvé ses limites à compter du 30 septembre 2021, date à laquelle la législation a étendu le contrôle des passes sanitaires dans nos médiathèques…aux enfants de plus de douze ans.
Et cette fois, le passe des mineur.es…ne passe pas !
Des enfants de moins de douze ans autorisés à entrer, mais leur grande sœur de quatorze ans contrainte de rester littéralement « à la porte » de la médiathèque… Des jeunes filles venues en catastrophe pour des recherches scolaires, mais éconduites pour ne pas avoir présenté leur sésame… Des adolescents en demande de soutien pour des démarches informatiques et là encore laissés dehors… Voici les situations auxquelles nous devons faire face.
Si les adultes ont le choix de la vaccination, les mineurs ne l’ont pas : ils ne peuvent pas se faire vacciner sans l’autorisation de leurs parents…
Par cette lettre ouverte, nous ne remettons pas en cause le principe de vaccination ni le choix de Nanterre de mettre tout en œuvre pour combattre cette crise sanitaire : nous dénonçons la rigidité d’une réglementation injuste qui laisse à la porte une partie des nanterrien.nes dans le besoin.
Ne pourrait-on pas permettre aux mineur.es d’accéder à nos médiathèques sans contrôle du passe ?
Les villes citées plus haut ont fini par réussir à s’exonérer du contrôle du passe pour les mineur.es en opposant à leurs préfets la notion de libre accès des personnes aux bibliothèques dès lors que leur fréquentation relève de motifs professionnels ou s’exerce dans un cadre de recherches… D’autres voies sont possibles !
Préserver une réponse aux besoins de liens sociaux, culturels, éducatifs des populations les plus jeunes (et souvent les plus vulnérables…) serait bien un moindre mal dans le contexte de crise que nous traversons toutes et tous…
Espérant que cette lettre ouverte éveillera une mobilisation solidaire.
Nanterre, le 19 octobre 2021
Les bibliothécaires des médiathèques municipales de Nanterre réuni.e.s en collectif
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